VINCENZO DE COTIIS INAUGURE SA NOUVELLE FONDATION à VENISE

« Venise nous a inspirés : son architecture, son histoire, sa monumentalité. » L’architecte d’intérieur Vincenzo De Cotiis s’exprime tout en ouvrant les volets du Palazzo Giustinian Lolin, un palais vénitien baroque à l’étage noble dans lequel il vient de s’installer. Quelques bateaux voguent sur le Grand Canal qui depuis des siècles facilite le commerce et les échanges culturels de la ville. « Quand on est ici, on a une notion de ce qui s’est passé au XVe siècle, poursuit Claudia Rose De Cotiis, son épouse. La manière dont Venise est devenue une puissance commerciale mondiale. » Le palazzo en a été le témoin. Construit aux alentours du XVe siècle par la famille Miani, il est racheté par les Lolin au début du XVIIe. Avant d’être transmis à un cousin, Giovanni Giustinian, il sera rénové vers 1630 suivant les plans de l’architecte vénitien Baldassare Longhena.

Le projet comprenait une belle façade classique, définie par trois bandes de pilastres – des draperies moulées au-dessus des colonnes corinthiennes apportent une note baroque –, parsemée de traces encore visibles de sa structure médiévale, selon la volonté de Longhena. Depuis le eXIXe siècle, ces murs ont vu défiler bien des habitants. Au eXXe siècle, le palazzo abrite la fondation de musique européenne d’Ugo et d’Olga Levi, qui occupe toujours le deuxième étage. Ici, chaque résident a laissé sa marque, créant ainsi une sorte de mille-feuille architectural où abondent encore les détails séculaires : éblouissants lustres en verre de Murano, panneaux de soie cyan et, clou du spectacle, quatre tableaux de Jean Raoux qui faisaient déjà partie de l’inventaire du palazzo en 1766 et ont été rachetés par la Fondation Ugo et Olga Levi en 1977.

Lorsque Vincenzo et Claudia Rose découvrent l’endroit en 2019, c’est « un coup de foudre, pour des raisons très simples : un palais vénitien sur les rives du Grand Canal, dont les reflets enchanteurs dansent sur les murs et créent une connexion immédiate à l’âme de la ville ». Vincenzo, ravi à l’idée d’ajouter à son tour une nouvelle strate à la bâtisse, s’attelle à la rénovation du premier étage, faisant dialoguer avec sensibilité l’illustre passé de l’édifice avec l’effervescence de la Venise d’aujourd’hui, véritable hub pour l’art contemporain, la mode et la culture. « Je regarde dans les deux directions, vers le passé et vers l’avenir », explique l’architecte qui, fidèle à cette philosophie, a placé un triptyque de verre et d’acier de l’artiste Anne Imhof, comme pour couper en deux le salon du palazzo. L’œuvre reflète son environnement baroque : lustre massif orné de chaînes dorées et de verre de Murano, murs enduits, enrichis des vestiges de décorations en marmorino du XIXe siècle, portes sculptées en ronce de noyer...

S’y mêlent les sculptures de Vincenzo De Cotiis pour faire naître un salon avant-gardiste doté d’une table basse en laiton coulé, fibre de verre recyclée et malachite, et d’un canapé recouvert d’un luxueux velours de mohair. Ses rénovations sont essentiellement superficielles : il a discrètement dissimulé les systèmes de chauffage et d’électricité derrière des panneaux en métal argenté poli, inséré des luminaires sur rails dans les poutres sculptées du plafond et gommé les vestiges d’une rénovation peu reluisante datant des années 1980. « On voulait laisser respirer la pureté de l’espace d’origine. » Il s’est surtout attaché à mettre en valeur ce qui était déjà là : les tapisseries en soie ont été restaurées, les sols en terrazzo d’origine révélés et les panneaux muraux vermillon remis à neuf. « Ce sont des couleurs vénitiennes », dit-il de cette palette très éloignée du gris qui a habituellement ses faveurs. Les bleus – inspirés du revêtement mural en soie d’origine – reflètent la lagune au bas des fenêtres ; le rouge est le même que celui de la façade d’un palais voisin.

Vincenzo De Cotiis a imaginé des objets contemporains susceptibles de se fondre, d’un point de vue narratif, dans le contexte vénitien. Comme cette imposante vitrine dans la chambre principale, en argent allemand, fibre de verre peinte et bronze blanc. Sa forme de ziggourat est un clin d’œil à une typologie vénitienne classique. À l’instar des patriciens vénitiens d’antan, Vincenzo De Cotiis a fait venir du monde entier les matériaux les plus nobles : marbre jaune de Sienne pour la salle de bains ou plaque de malachite verte de 3,6 mètres pour la table de la salle à manger. Mais comme souvent chez lui, l’opulence du marbre, des métaux précieux et du verre de Murano est contrastée par la patine intrigante de matériaux moins traditionnels. Une fibre de verre recyclée peinte à la main, qui ressemble à s’y méprendre à une pierre précieuse, se retrouve sur de nombreux meubles ; une tête de lit brutaliste, posée sur des sols en terrazzo d’origine, a été peinte à la main

pour prendre des airs de béton érodé.

Ces dialogues entre les matériaux s’étendent aux œuvres d’art. Une pièce colossale en titane et aluminium de Michail Pirgelis et des toiles texturées de Sterling Ruby et de Jean Degottex contrastent, par leur minimalisme, avec le faste de la décoration. Ailleurs, des sculptures telles que le Yellow Warrior de Simone Fattal, une œuvre en fibre de verre vaguement anthropomorphe signée Vincenzo De Cotiis, et une paire de statues de Girolamo Campagna semblent converser avec les personnages des toiles de Jean Raoux. « La vie et l’art doivent communiquer dans la maison », explique l’architecte d’intérieur. Meubles et œuvres d’art étant enfin installés, Vincenzo et Claudia Rose commencent tout juste à prendre possession des lieux. « Il faut qu’on passe un peu de temps ici, observe Claudia Rose. Qu’on donne un cocktail, qu’on ouvre les fenêtres pour prendre un verre sur le Grand Canal et qu’on vive à la vénitienne. »

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